Arrêter le chaos des imprimantes en entreprise
Dans trop de PME, l’impression reste une zone grise: imprimantes dispersées, cartouches qui disparaissent, pannes à répétition, coûts invisibles. Pendant qu’on parle cloud et cyber, les copieurs continuent de dicter leur loi. Il est temps de prendre ce sujet en face, sans fard.
Pourquoi le parc d’imprimantes est plus stratégique qu’il n’y paraît
Les dirigeants aiment croire que « tout est numérique ». Sur le terrain, les imprimantes réparties dans les bureaux, les copieurs centralisés et les traceurs de plans restent des maillons critiques, en particulier dans les secteurs juridique, comptable, immobilier ou du bâtiment.
Les symptômes d’un parc d’impression hors de contrôle
- Multiplication d’imprimantes USB achetées en urgence chez un revendeur grand public
- Stock sauvage de cartouches dans les placards, parfois périmées
- Copieur principal saturé, files d’attente ingérables en fin de mois
- Incidents récurrents après mises à jour Windows ou changement de serveur
À ces irritants quotidiens s’ajoutent les coûts cachés: consommables, maintenance, temps perdu. Une étude de marché de plusieurs constructeurs montre régulièrement que l’impression peut représenter jusqu’à 3 % du chiffre d’affaires annuel d’une entreprise. Oui, 3 % pour des pages souvent égarées ou inutiles.
Un angle mort de la cybersécurité
Les imprimantes réseau et copieurs multifonctions sont de vrais ordinateurs, souvent mal gérés. Firmware jamais mis à jour, accès d’administration laissés par défaut, disques internes contenant des copies de documents sensibles… Les guides de l’ANSSI sur les équipements réseau rappellent ce point, mais peu de PME les lisent vraiment.
Dans le cadre d’un plan de sauvegarde et de protection des données, ignorer les imprimantes est une faute. Certains modèles stockent des scans, des journaux d’impression, parfois des carnets d’adresses entiers.
Reprendre la main: cartographier et rationaliser le parc
Avant de signer un nouveau contrat de location ou de maintenance, il faut savoir d’où l’on part. Comme pour le reste du parc informatique, la cartographie est la première étape sérieuse.
Étape 1: recenser le réel, pas la théorie
Listez:
- Copieurs et imprimantes réseau: marque, modèle, âge, emplacement, mode de connexion
- Imprimantes locales USB: qui les utilise, pour quels usages, pourquoi elles ont été ajoutées
- Volumes mensuels estimés (ou relevés compteurs) par équipement
- Printers métier spécifiques: étiquettes, plans, chèques, etc.
C’est souvent à ce moment que l’on découvre la survivance d’un vieux laser monochrome dans un coin, utilisé uniquement par le service RH pour des bulletins de paie, ou une jet d’encre à l’encre ruineuse pour les « urgences » du marketing.
Étape 2: définir une politique d’impression, même simple
Pas besoin de roman. Trois principes suffisent à structurer l’ensemble:
- Centraliser la majorité des volumes sur des copieurs professionnels bien dimensionnés (Kyocera, Xerox, Canon, etc.)
- Limiter au strict nécessaire les imprimantes individuelles (besoins de confidentialité spécifiques)
- Encadrer les impression couleur, grands formats et tirages massifs
Cette politique doit être assumée par la direction, pas seulement par « l’informatique ». Sinon, les achats sauvages continueront.
Impression et travail hybride: éviter les fausses bonnes idées
Avec la montée du télétravail, certaines entreprises ont cédé à la tentation de laisser les salariés imprimer chez eux « comme ils le souhaitent ». Mauvaise idée.
Le coût réel de l’impression à domicile
- Aucune maîtrise des coûts de consommables
- Documents potentiellement sensibles qui traînent sur des imprimantes familiales
- Support utilisateur infernal: pilotes exotiques, modèles grand public, Wifi capricieux
Pour les activités nécessitant vraiment une impression hors site, mieux vaut:
- Prévoir des solutions de pull printing ou d’impression sécurisée sur sites tiers
- Limiter les volumes via un suivi par utilisateur ou par service
- Encadrer clairement les documents interdits d’impression à domicile (données médicales, dossiers juridiques, etc.)
Les recommandations de la CNIL sur la confidentialité des données papier restent valables, même en 2025. Voir notamment leurs guides pratiques.
Intégrer le parc d’impression dans l’infogérance globale
Une erreur fréquente des PME est de traiter les imprimantes à part: contrat de maintenance déconnecté, prestataire différent, aucune intégration avec la supervision informatique.
Les bénéfices d’une approche unifiée
- Suivi des copieurs et imprimantes dans le même outil de supervision que les serveurs et postes
- Gestion cohérente des droits d’impression via Active Directory ou Microsoft 365
- Intégration avec les projets de dématérialisation et facture électronique
- Prise en compte des copieurs dans le plan de reprise et les procédures en cas de ransomware
Une imprimante partagée peut devenir un goulot d’étranglement lors d’un déménagement de bureaux ou d’une coupure Internet. La continuité de service passe aussi par là.
Choisir ses partenaires avec exigence
Ne vous contentez pas de comparer des coûts à la page. Interrogez les partenaires sur:
- La localisation et la réactivité du support technique
- Les capacités de supervision à distance des machines
- Les engagements sur la sécurité (mise à jour firmware, effacement des disques en fin de contrat)
- La compatibilité avec votre environnement (Windows, Mac, solutions Sage ou autres)
Un bon partenaire impression ressemble beaucoup à un bon prestataire d’infogérance: réactif, transparent, pas obsédé par la vente de matériel, mais par la continuité de votre production.
Vers un parc d’impression maîtrisé, pas ascétique
L’objectif n’est pas d’interdire d’imprimer, ni de transformer vos locaux en monastère sans papier. L’objectif, c’est de reprendre le contrôle: savoir qui imprime quoi, où, à quel coût, et avec quel niveau de sécurité.
Si vos imprimantes tombent en panne au pire moment, si vos cartouches disparaissent mystérieusement et si personne ne sait combien tout cela coûte réellement, vous avez probablement besoin d’une vraie stratégie d’impression, intégrée à celle de votre parc informatique global. Ce n’est pas le sujet le plus glamour, mais c’est souvent l’un des plus rentables à traiter. Et, honnêtement, l’un des plus satisfaisants quand le chaos cesse enfin.